Strayman
vit en marge de la société. Il habite en compagnie
d'une douzaine de chiens errants, noircit de rimes sauvages les
murs de son taudis et se nourrit de canettes de bière. Un
jour, son regard croise celui de Strumpet, une drôle de jeune
fille, muette sans une guitare entre les mains. La caméra
virevolte au gré des riffs de guitare, rase les murs en vitesse,
mais prend quand même le temps de s'arrêter sur les
visages. Strumpet donne le vertige, Danny Boyle bâtit son
film à coups d'images qui s'entrechoquent, parfaits contrepoints
aux paroles que son héros aboie à la face du monde.
Ce Strayman fait immanquablement penser au Johnny de Naked, de Mike
Leigh. Même insolence, revêche à la moindre intégration
sociale, Strayman est comme Johnny, par la fureur et la colère.
Une différence cependant: Strayman est un poète, tandis
que Johnny, une sorte de clochard philosophe. Du coup, dans la société
moderne, celle du spectacle triomphant et de la culture instantanée,
l'artiste a plus de chances de s'en sortir. Réduire Strumpet
à son seul protagoniste est une erreur cependant. Strumpet
est une femme. Et en dépit des tous les coups de griffes
d'un Danny Boyle survolté, elle seule saura arracher quelques
lambeaux d'humanité à ce Virgile postmoderne.